Depuis le 6 août 2024, nous voyons une armée ukrainienne, qui nous paraissait vaincue les mois passés, lancer une attaque d’ampleur sur le territoire Russe. Une contre-offensive qui a pris de court tout le monde, de la Russie à l’occident, en passant par l’Ukraine elle-même.

Des incursions armées depuis l’Ukraine avaient déjà eu lieu durant les mois précédents, mais elles n’avaient jamais pris une telle magnitude. Généralement, après quelques jours, les troupes se retiraient, et le symbole de l’inébranlable Goliath s’effritait.  Il est vrai que depuis quelques mois, les attaques de drone de plus en plus en profondeur dans les territoires de la Fédération de Russie amenaient la réalité de la guerre à la population russe. Mais cette fois tout est différent.

En effet, là où précédemment les troupes qui entraient sur le territoire russe étaient des soldats qui se disaient d’origine russe. Cette fois ce sont plus d’un millier de soldats ukrainiens qui ont mené l’assaut dans les premières heures, appuyé par des blindés et des véhicules anti-aérien. Les moyens déployés sont plus importants, mais la tactique a aussi changé. Là-même où les incursions précédentes n’avaient pas eu comme but d’établir une ligne de front hors des frontières territoriales de l’Ukraine, cette fois il est question « d’amener la guerre sur le territoire Russe ».  Il est d’autant plus symbolique, que la Russie s’est faite prendre par surprise et que les troupes ukrainiennes avancent avec très peu de résistance. L’armée ukrainienne renforcée de près de dix-milles hommes montre qu’elle est capable de faire une telle incursion, et de mettre en place une tête de pont majeure. L’invasion de l’oblast de Kursk pourrait à terme être bénéfique à Kyiv en cas de négociations majeure de paix. En effet si un oblast entier comme celui de Kursk tombe aux mains de l’Ukraine, celle-ci serait à nouveau en position de force, et pourrait proposer un accord d’échange de territoire. Kursk contre la Crimée, le Donbass, ou Zaporijjia. 

Les images de propagande des deux camps entament un autre champ de bataille sur internet, mais là où une part des vidéos et informations russes datent d’anciens combats, les ukrainiens publient du contenu hautement nouveau. Dans cette guerre de propagande visant à rassurer les populations et les soldats, l’Ukraine parait gagner. En effet, les images des soldats russes encolonnés se rendant au nouvel envahisseur, font le tour des réseaux sociaux. Des troupes de Kadyrov assise les mains attachées, des jeunes conscrits russes agenouillés les yeux bandés font de la narrative de Kyiv une réalité : Un prisonnier russe, veut dire qu’un ukrainien pourra rentrer à la maison. 

De l’autre côté, le kremlin lui se retrouve face à un dilemme. Les troupes ukrainiennes entrant sur son territoire, comme dans un pain de mie, ont démontré la faiblesse stratégique de Goliath, qui ne s’attendait pas à ce que les troupes ukrainiennes en difficulté dans le Donbass ou à Kharkiv aient les ressources nécessaires pour une telle incursion. C’est un échec pour Vladimir Poutine, qui doit déclarer l’état d’urgence anti-terroriste dans cet oblast afin d’être en accord avec sa rhétorique sur le confit ukrainien. 

Mais cette incursion en territoire Russe est hautement symbolique. En effet, bien que les incursions comme nous l’avons dit ont déjà eu lieu par le passé, mais plus à l’est dans la région de Belgorod, celle-ci ravive de nombreux souvenirs historiques.

Entre le 5 juillet et le 23 août 1943, l’Allemagne nazie tente un dernier soubresaut et après les défaites devant Moscou et à Stalingrad, tente le tout pour le tout pour arrêter le rouleau compresseur soviétique. Cette bataille sera connue comme la plus grande bataille de char de l’histoire, sur un front de plus de 270 kilomètres. Le géant soviétique jettera dans la bataille plus de deux millions d’hommes qui feront face à neuf-cent mille soldats allemands. L’armée du IIIe Reich perdra et ce sera ce que l’on déclarera à posteriori comme étant la bataille qui finira de faire écrouler le château de carte allemand.

C’est par ailleurs la première fois depuis la seconde guerre mondiale, que le territoire de la Russie subit une telle invasion. Pour un Vladimir Poutine qui se vantait de ramener la puissance de la Grande Russie c’est un nouvel échec.

Mais ce que Kyiv a réussi à faire comprendre au monde occidental, c’est la faiblesse militaire de la Russie. Bien évidemment, elle est consciente que cette guerre qu’elle mène est une guerre contre un colosse, mais elle révèle les pieds d’argiles de celui-ci. Dans cette invasion, elle démontre que la Russie doit dégarnir une partie de son front en Ukraine pour aller retourner défendre son propre pays. Elle prouve de plus que l’intimidation nucléaire n’est qu’une menace et la Russie ne s’en sert pas. Malgré cette nouvelle « ligne rouge » franchie dans le conflit.

Il est possible que cette opération séduise les Occidentaux et redonne de l’espoir dans une fin de guerre autre que la chute ukrainienne. Hypothétiquement, un désengagement du front russe en Ukraine, pourrait permettre une controffensive majeure dans la région. Il sera alors intéressant de suivre la suite des événements.

Louis Sandro Zarandia 

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